Adama ZOROME, Doctorant à l’Université d’Aix-Marseille
Le consentement à l’arbitrage et ses implications. Toute instance arbitrale tire son fondement d’un échange de consentement qui constitue le socle de la convention d’arbitrage (clause compromissoire ou compromis). En consentant à la résolution du différend par la procédure d’arbitrage, les parties, qu’elles soient des personnes privées ou publiques, consentent à l’exécution de la sentence qui sera rendue par le tribunal arbitral, sous réserve d’un recours éventuel contre la sentence. L’exécution de la sentence devient ainsi un droit pour le créancier. Ce droit est d’autant plus important qu’elle fait partie des droits fondamentaux constitutionnellement garantis, depuis le célèbre arrêt Hornsby contre Grèce rendu par la Cour européenne des droits de l’homme (1). De la sorte, à défaut d’exécution volontaire, le créancier peut recourir aux mesures d’exécution forcée. L’exécution forcée est un ensemble de procédures permettant au créancier d’appréhender les biens de son débiteur afin de les vendre et d’être payé sur le prix (2). Elle peut porter sur une multitude de biens faisant partie du patrimoine du débiteur et, pour la saisie de ces biens, le créancier doit justifier que la sentence qu’il détient est revêtue de l’exequatur. La mise en œuvre de ces mesures est réglementée par chaque législation nationale. Ici, nous nous limiterons à l’analyse de la législation française.
Pourtant, les nombreux contentieux relatifs à l’exécution forcée de la sentence rendue contre les États et leurs émanations ainsi que l’état de la jurisprudence suscitent un regain d’intérêt pour le consentement donné en amont de la résolution du différend, à telle enseigne que l’on pourrait s’interroger sur l’existence d’un paradoxe sur le consentement à la procédure arbitrale et l’impossible recours à certaines mesures d’exécution forcée. Cette interrogation en révèle une autre : peut-on traiter l’État et ses émanations, opérateurs du commerce international et parties à l’instance arbitrale, comme des litigants ordinaires ? La réponse immédiate qui vient à l’esprit est non. Mais, qu’est-ce qui pourrait justifier ce traitement différencié ? L’État n’a-t-il pas le devoir d’assumer les conséquences découlant de sa participation aux opérations du commerce international ? En tout état de cause, tout le droit français tend à le traiter différemment. Ce traitement différencié semble pourtant se justifier par les immunités dont bénéficient les États étrangers et leurs émanations (I) ; mais, il suscite une réflexion sur les garanties d’exécution des sentences rendues contre les États (II).
I. Un traitement différencié justifié par les immunités
Classiquement, il existe deux sortes d’immunités : celle de juridiction en vertu de laquelle un État ne peut être défendeur dans une action en justice sans son consentement ; et, celle d’exécution en vertu de laquelle les biens de l’État ne peuvent faire l’objet de mesure d’exécution forcée. La question de l’exécution de la sentence a un rapport avec ces deux types d’immunité. Ainsi, nous verrons le rapport avec l’immunité de juridiction (A) avant de nous attarder sur celui avec l’immunité d’exécution (B).
A. Le rapport de l’exécution de la sentence avec l’immunité de juridiction
L’immunité tire son fondement de conventions internationales auxquelles la France a adhéré. Au nombre de ces conventions, il y a notamment la Convention de Vienne sur les immunités diplomatiques du 18 avril 1961, la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963 et la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, adoptée le 2 décembre 2004 et ratifiée par la France le 12 août 2011. Cette dernière, malgré le fait qu’elle ne soit pas encore entrée en vigueur, est considérée par la Cour européenne des droits de l’homme comme découlant du droit international coutumier et faisant ainsi partie du droit positif français (3).
L’immunité de juridiction n’a pas un caractère absolu (4), ce n’est qu’un privilège ; car, non seulement il est possible d’y renoncer, mais également elle ne peut être relevée d’office par le juge. Toutefois, il convient de rappeler la distinction entre les actes dits « jure gestionis » et les actes dits « jure imperii » (5). L’État agissant comme puissance publique serait protégé par l’immunité tandis que, lorsqu’il agit comme une personne privée, il n’en bénéficie pas (6). De même, les personnes morales de droit public, qui ne sont que des émanations indirectes de l’État, peuvent bénéficier de l’immunité de juridiction (7).
La renonciation à l’immunité de juridiction peut être expresse ou tacite. Elle est expresse lorsqu’elle est faite sous la forme d’une déclaration écrite ; et, elle est tacite, dans le cadre de la procédure arbitrale, lorsque l’État donne son consentement à une convention d’arbitrage (8) sans autre précision (9). En effet, il est de jurisprudence constante que le consentement de l’État à une convention d’arbitrage équivaut à une renonciation à son immunité de juridiction (10). Également, la renonciation tacite pourrait résulter de la comparution volontaire de l’État qui s’abstint d’invoquer son immunité (11). Ainsi, en acceptant de voir régler un différend par voie d’arbitrage, un État renonce nécessairement à invoquer son immunité de juridiction devant le tribunal arbitral et même devant une juridiction étatique dans le cadre d’un recours (12).
B. Le rapport de l’exécution de la sentence avec l’immunité d’exécution
Contrairement à celle de juridiction, l’immunité d’exécution revêtirait un caractère absolu, avec tout de même un degré d’assouplissement. En droit français, l’immunité d’exécution de l’État défendeur est un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge saisi (13). Cependant, cette conception faussement absolutiste est écartée s’il est établi que l’État y a renoncé. Reste alors à déterminer la nature de la renonciation.
La première interrogation est de savoir si le consentement à une convention d’arbitrage plaçant notamment la procédure arbitrale sous l’égide du règlement CCI – lequel prévoit un engagement de chaque partie au litige à exécuter la sentence – équivaut à une renonciation à l’immunité d’exécution dont jouit l’État (14). La Cour d’appel de Paris y répondait par la négative dans l’arrêt République Islamique d’Iran c/ Eurodif et Sofidi (15). Pourtant, une solution inverse a été donnée par la Cour d’appel de Rouen dans une affaire dite « Bec frères » (16). Dans cette affaire, il a été décidé qu’ « en souscrivant à des clauses compromissoires sans lesquelles à l’évidence les marchés n’auraient pas été conclus, puis en s’y soumettant, l’État tunisien a ainsi accepté les règles du droit commun du commerce international ; qu’il avait par là même, renoncé à son immunité de juridiction et, les conventions devant s’exécuter de bonne foi, à son immunité d’exécution ». La légitimité de cette solution était fondée sur l’exigence de la bonne foi, une règle d’ordre public transnational. La Cour de cassation confirmera cette position de la Cour d’appel de Rouen, dans un arrêt très remarqué du 6 juillet 2000, l’arrêt Creighton c/ Ministre des Finances de l’État du Qatar (17). La seconde solution relevait d’une logique contractuelle ; elle se fondait sur la force obligatoire des conventions (18). Il était donc inacceptable qu’une partie donne son consentement, exempt de tout vice, à une procédure d’arbitrage et refuse d’exécuter la décision de justice qui résultera de cette procédure. Il fallait éradiquer le paradoxe. Pourtant, il semblerait bien que nous soyons de nouveau dans ce paradoxe, en l’état actuel de la législation confortée par la jurisprudence. À suivre le législateur et la jurisprudence, ce paradoxe semble se justifier par la spécialité du débiteur : l’État.
De par cette position, le législateur vise à ce que les intérêts de ces créanciers ne portent pas une atteinte à la puissance et aux services publics de l’État concerné. S’entremêlent ainsi le devoir de garantir les droits des créanciers et la préservation des relations diplomatiques.
La saisissabilité des biens des États étrangers en France était enfermée dans des conditions assez strictes et difficiles à réaliser. Ces difficultés se sont manifestées par une fluctuation jurisprudentielle, portant sur l’exigence d’une renonciation spéciale par l’État sur ces biens pour que la mesure d’exécution forcée mise en œuvre par le créancier soit valable.
La jurisprudence a procédé à une catégorisation des biens dits à « haute valeur symbolique », lesquels étaient insaisissables. À cet effet, nous pouvons nous souvenir de l’affaire Noga (19), dans laquelle la Compagnie Noga a tenté de saisir les biens ou avoirs de différentes entités rattachées à l’État russe, ceux de la Banque centrale de Russie, de la Banque du commerce extérieur de Russie, de l’Agence spatiale russe Roscosmos, du Centre de recherches spatiales TsSKB-Progress, de l’agence d’information Ria Novosti, de l’ambassade de la Fédération de Russie et de la délégation permanente de la Fédération de Russie près de l’UNESCO. Elle avait également tenté de saisir en 2000 le navire école Sedov, ainsi que des aéronefs militaires en 2001.
Auparavant, la Cour avait énoncé dans l’arrêt Eurodif (20) que « l’immunité d’exécution dont jouit l’État étranger est de principe » ; toutefois, « elle peut être exceptionnellement écartée » et « il en est ainsi lorsque le bien saisi a été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ».
Dans son arrêt du 28 septembre 2011, dans une affaire opposant la société NML à la République d’Argentine, concernant les biens des missions diplomatiques, la Cour de cassation, se fondant sur le droit international coutumier, a énoncé que « les missions diplomatiques des États étrangers bénéficiaient […] d’une immunité d’exécution autonome à laquelle il ne peut être renoncé que de façon expresse et spéciale » (21). Dans un autre arrêt, rendu le 28 mars 2013, la Cour restreignait la renonciation aux biens destinés au service public (22). L’exigence de renonciation expresse et spéciale signifierait que les biens faisant l’objet de la renonciation doivent être désignés et limitativement énumérés (23). Cette position de la jurisprudence était un recul par rapport à l’arrêt Creighton qui prévoyait que la simple référence à la convention d’arbitrage, au règlement CCI, valait renonciation à l’immunité d’exécution (24).
Elle était tout à fait attentatoire à la sécurisation des opérations commerciales internationales. C’est ainsi que la Cour de cassation a opéré un revirement de sa jurisprudence antérieure sur la renonciation des États à leurs immunités d’exécution sur les biens diplomatiques et une catégorie de biens considérée comme insaisissable. Ce revirement, intervenu dans un arrêt du 13 mai 2015, a été vivement salué (25). Dans cette affaire, la Société Commisimpex produisait une lettre d’engagement signée le 3 mars 1993, dans laquelle la République démocratique du Congo renonçait « à invoquer dans le cadre du règlement d’un litige en relation avec [ses] engagements, toute immunité de juridiction ainsi que toute immunité d’exécution ». De cette lettre, on pouvait apercevoir une renonciation à l’immunité d’exécution certes, mais cette renonciation ne visait aucunement une catégorie de biens ; elle était générale. La Cour de cassation, opérant un revirement de sa jurisprudence du 28 septembre 2011, précisait qu’aux termes des « règles du droit international coutumier relatives à l’immunité d’exécution des États, seule une renonciation expresse était nécessaire ». Dans cet arrêt de 2015, le fondement tiré du droit international coutumier était controversé. En effet, avant 2011, la jurisprudence faisait référence aux principes du « droit international public » (26). Depuis 2011, elle a préféré se référer au « droit international coutumier », avec la mention que celui-ci exigeait une renonciation « expresse et spéciale », pour que l’immunité d’exécution des États ne produise aucun effet. Dans cet arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation faisait toujours référence au droit international coutumier ; mais, cette fois, elle supprimait la condition d’une renonciation « spéciale » en affirmant que « le droit international coutumier n’exigeait une renonciation autre qu’expresse ».
Cet élan jurisprudentiel a été vite interrompu par le législateur qui consacrait la condition de la renonciation spéciale en droit positif français. Cette position du législateur a par la suite été confortée par la jurisprudence qui, dans son le dernier arrêt Commissimpex rendu le 3 février 2021, a acquiescé à l’application anticipée de la nouvelle législation.
L’entrée en vigueur de la loi « Sapin II » s’est fait à une période où la jurisprudence avait du mal à situer sa position face à la question assez complexe de la renonciation des États à leurs immunités d’exécution. En rappel, l’article L.111-1 du Code des procédures civiles d’exécution qui, reprenant les termes de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, dispose d’abord que « Tout créancier peut, dans les conditions prévues par la loi, contraindre son débiteur défaillant à exécuter ses obligations à son égard » ; ensuite, que « [t]out créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits » ; et enfin, que « [l]'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution ».
Au titre des réponses apportées par le législateur, la première disposition a été insérée dans un article L. 111-1-1 du Code des procédures civiles d’exécution (27) qui conditionne la pratique des mesures conservatoires ou d’exécution forcée sur les biens appartenant aux États étrangers en France à une autorisation du juge de l’exécution. Cette autorisation est donnée sous la forme d’une ordonnance sur requête du créancier. La seconde disposition a été insérée dans un article L.111-1-2 du même code qui énumère trois hypothèses dans lesquelles ces mesures conservatoires et d’exécution forcée peuvent être autorisées par le juge de l’exécution : la première est celle dans laquelle l’État concerné aurait expressément consenti à l’application de la mesure, étant entendu que le consentement donné à l’application d’un règlement d’arbitrage stipulant une renonciation peut répondre à ce caractère exprès. En second lieu, nous avons l’hypothèse où l’État concerné réserve ou affecte les biens visés à la satisfaction de la demande du créancier. Et la dernière hypothèse est celle dans laquelle les biens visés par le créancier sont utilisés ou destinés par l’État concerné autrement qu’à des fins de service public non commercial.
Pour être plus explicite, le législateur a établi une liste de biens considérés comme utilisés ou destinés à être utilisés par l’État étranger à des fins de service public non commercial (28). Par conséquent, les biens utilisés à des fins de service public non commercial seraient frappés d’une insaisissabilité (29). Cette catégorie de biens « utilisés ou destinés à être utilisés par l’État étranger à des fins de service public non commercial » englobe tous les biens des missions diplomatiques, y compris les comptes bancaires.
S’agissant des comptes bancaires, la Cour de cassation avait rappelé, dans son arrêt du 28 septembre 2011, que « les comptes bancaires d’une ambassade sont présumés être affectés à l’accomplissement des fonctions de la mission diplomatique, de sorte qu’il appartient au créancier qui entend les saisir de rapporter la preuve que ces biens seraient utilisés pour une activité privée ou commerciale » (30). Les comptes bancaires bénéficieraient donc d’un traitement particulier par la jurisprudence (31). Ainsi, il appartient au créancier de rapporter la preuve que les comptes bancaires qu’il saisit sont destinés à une activité privée et commerciale. Cette solution est confortée par l’arrêt du 10 janvier 2018, dans lequel la Cour de cassation a énoncé que « la présomption d’affectation [des comptes bancaires saisis] à l’accomplissement des fonctions de ces missions diplomatiques (l’ambassade de la République du Congo en France, la délégation permanente de cet État auprès de l’UNESCO) est confortée par l’intitulé de ces comptes et que, alors qu’il le lui incombait, le créancier n’a rapporté la preuve contraire devant aucune des juridictions saisies ».
Il paraît très difficile de renverser cette présomption d’affectation et aussi difficile de prouver que les comptes d’une ambassade sont utilisés pour une activité privée et commerciale (32). Un recours à l’expertise a été suggéré afin de déterminer, à partir des pièces et flux privés et commerciaux, s’il existe des flux souverains permettant d’identifier la part saisissable des comptes bancaires (33).
Par cette réforme, le législateur a bien mis en exergue sa réticence à favoriser les mesures d’exécution forcée à l’égard des missions diplomatiques, témoignant ainsi du paradoxe dans le consentement de l’État à la procédure arbitrale. Face à ce paradoxe, l’aménagement des garanties d’exécution devient une nécessité.
II. Des garanties d’exécution
Très souvent, nous constatons dans les règlements d’arbitrage des stipulations tendant à obliger les parties, en cas de sentences rendues, à l’exécution. Par ces stipulations, les différentes institutions arbitrales tendent à garantir la bonne exécution des sentences (A). De façon plus autonome, nous pouvons envisager la possibilité pour les parties elles-mêmes d’anticiper les difficultés d’exécution de la sentence dès la conclusion du contrat ou même dès la naissance du différend. Un tel mécanisme est possible à travers l’usage des sûretés judiciaires (B).
A. Une tendance des règlements d’arbitrage à garantir l’exécution
Les stipulations contenues dans les règlements d’arbitrage peuvent constituer une sorte de garantie, mais dont l’efficacité peut poser un problème. La principale inquiétude est celle de savoir si cette garantie lie le juge de l’exécution. Autrement dit, le juge de l’exécution est-il tenu de donner effet à une stipulation d’un règlement d’arbitrage tendant à contraindre les parties à l’instance arbitrale à l’exécution ou, à les faire renoncer aux recours possibles contre la sentence ou à leurs immunités, s’agissant des États ? Quoi qu’il en soit, cette garantie n’a qu’une nature contractuelle. Toutefois, la garantie peut être plus renforcée dans le règlement de certains centres d’arbitrages en raison de la particularité des litiges qu’ils tranchent.
La force obligatoire des règlements d’arbitrage. Le caractère obligatoire de la sentence tire sa source du consentement des parties qui, en adhérant à un règlement d’arbitrage, expriment leur intention d’exécuter la sentence, quelle que soit l’issue de l’instance arbitrale. À ce titre, nous apercevons aujourd’hui une tendance des différents règlements d’arbitrage à renforcer, sinon, à garantir cette volonté d’exécution.
L’article 35, § 6 du règlement de la Chambre de commerce international (CCI) dispose que « Toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir, et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer ». Dans le même sens, le règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce de Stockholm dispose en son article 40 le caractère obligatoire de la sentence entre les parties, constituant ainsi une sorte de garantie à l’exécution. Ainsi, dès que la sentence est rendue, elle devient définitive et obligatoire pour les parties. Et, par la soumission du différend au règlement, les parties s’engagent à exécuter sans délai toute décision arbitrale.
L’efficacité relative de la garantie accordée par les règlements d’arbitrage. Malgré cette volonté d’assurer l’exécution des sentences arbitrales, la question de l’efficacité des garanties accordées par les règlements d’arbitrages se pose.
Dans le cadre de l’arbitrage impliquant des États ou des entités étatiques, la jurisprudence donnait une première réponse à la question dans l’arrêt société Creigthon Limited (34) qui mettait en cause l’immunité d’exécution de l’État du Qatar. En rappel, la Cour de cassation énonçait que « l’engagement pris par l’État signataire de la clause d’arbitrage d’exécuter la sentence dans les termes de l’[ancien] article 24 du règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce international impliquait renonciation de cet État à l’immunité d’exécution ». Dans ce même ordre, l’arrêt de la Cour d’appel de renvoi qui, rendu le 12 décembre 2001, énonçait que « [l]es biens d’un État étranger ne peuvent, au regard des principes du droit international régissant les immunités des États étrangers, faire l’objet d’une procédure en vue de l’exécution d’un jugement, sauf si cet État y a expressément consenti en concluant notamment une clause compromissoire, l’acceptation du caractère obligatoire de la sentence qui résulte de celle de la convention d’arbitrage opérant, au vu du principe de bonne foi et sauf clause contraire, une renonciation à l’immunité d’exécution ».
Au vu de cette jurisprudence, la question de l’efficacité ne devrait plus se poser. Les stipulations des règlements d’arbitrage devraient être opposables au juge de l’exécution. Cependant, l’état actuel du droit positif français sur la saisissabilité des biens des missions diplomatiques en France nous conduit à nuancer la réponse. En effet, nous pensons que les renonciations découlant de ces règlements d’arbitrage sont des renonciations générales ; et, comme telles, elles ne peuvent permettre que la saisie des biens autres que ceux destinés à une activité de service public non commercial.
La garantie accordée par le système d’arbitrage CIRDI. Dans le cadre de l’arbitrage CIRDI, il existe une sorte de garantie à l’exécution des sentences rendues sous l’égide du centre. Cependant, elle n’est limitée qu’au stade de la reconnaissance et de l’exequatur.
Le régime applicable à la reconnaissance et à l’exequatur des sentences rendues par les soins du centre pourrait constituer une garantie normative assez solide pour les parties. Ce système est unique, car « il a été conçu comme un système autonome et délocalisé assurant l’[exequatur] automatique des sentences » (35). L’un des avantages majeurs des sentences rendues sous l’égide du CIRDI se trouve dans la simplification de leur reconnaissance et de leur exécution (36). En effet, tel qu’il ressort des dispositions de l’article 54 de la Convention de Washington, « [c]haque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l’exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s’il s’agissait d’un jugement définitif d’un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État. Un État contractant ayant une constitution fédérale peut assurer l’exécution de la sentence par l’entremise de ses tribunaux fédéraux et prévoir que ceux-ci devront considérer une telle sentence comme un jugement définitif des tribunaux de l’un des États fédérés ». Ainsi, les sentences rendues par le CIRDI bénéficient d’une reconnaissance et d’un exequatur automatique, permettant de faire échapper lesdites sentences au contrôle des juridictions étatiques.
Il semblerait que les sentences rendues par le CIRDI auraient l’avantage d’être exécutées spontanément par les litigants. Cette exécution spontanée serait favorisée par au moins deux facteurs. Le premier est lié à la réputation des États face aux bailleurs de fonds, dont ils dépendent, faisant partie des institutions de la Banque mondiale (37). Le second facteur est lié à la réputation des États aux yeux de la communauté internationale (38). À cet effet, la non-exécution de telles sentences par les États en question pourrait déclencher la mise en œuvre de dispositifs prévus par la Convention, lesquels peuvent aller jusqu’à l’assignation devant la Cour internationale de justice (39). La non-exécution de la sentence peut également conduire à des mesures diplomatiques de réciprocité prise par l’État d’origine de l’investisseur. Cela étant, il convient de préciser que l’exécution à laquelle il est fait référence dans la convention n’est que l’exequatur et non l’exécution stricto sensu. La garantie qu’elle apporte est donc partielle.
B. La garantie par l’usage des sûretés judiciaires
La sentence, même revêtue de l’exequatur, ne donne, par elle-même, aucun avantage au stade de l’exécution (40). Elle n’est pas un titre de prééminence contre les autres créanciers de la partie condamnée de sorte que s’il était chirographaire avant d’obtenir la sentence faisant droit à ses prétentions, le créancier le demeurerait après la reddition de la sentence (41). Il peut donc s’avérer nécessaire pour le créancier d’exiger des garanties s’il a la conviction qu’une sentence pourrait être rendue en sa faveur. Cette garantie pourra être examinée à l’aune des sûretés qui peuvent constituer une pression pour le débiteur lorsqu’elles portent sur des biens d’une importance majeure, notamment les comptes bancaires et des droits sociaux.
L’obtention d’une garantie d’exécution est plus ou moins aisée selon que le différend est déjà né ou ne l’est pas encore. En effet, dans le second cas, les parties sont généralement dans une relation de confiance mutuelle et l’idée d’un quelconque différend est rarement envisagée. Il devient donc plus simple de constituer une garantie à l’exécution d’une obligation contractuelle, laquelle garantie pourra plus tard servir à l’exécution d’une sentence en cas de différend. En revanche, dans le premier cas, il y a généralement un refus d’une des parties qui a conscience qu’il y a de forte chance qu’une sentence soit rendue en sa défaveur. Cette dernière aura tendance à s’opposer à la constitution d’une garantie.
Avant la survenance du différend : un recours possible à la garantie autonome. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle le créancier, lors de la conclusion du contrat, demande au débiteur de l’obligation principale de constituer une garantie à l’exécution du contrat. En application de l’article 2287-1 du Code civil, il peut avoir recours à la garantie autonome.
La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant, généralement un établissement financier, s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme, soit à première demande, soit suivant des modalités convenues (42). Ainsi, dans la garantie autonome, l’engagement souscrit par le garant est entièrement indépendant de celui souscrit par le débiteur dans le contrat principal (43).
Pour que ce mécanisme puisse servir à l’exécution de la sentence, les parties devront, dès la conclusion du contrat principal, dans la partie relative au règlement des différends, c’est-à-dire la clause compromissoire, faire un renvoi à la garantie autonome aux fins de l’exécution d’une sentence éventuelle. Cela suppose qu’elles se sont mises d’accord sur la souscription de la garantie. Ainsi, en cas de différend et lorsqu’une sentence est rendue, le créancier pourra mettre en œuvre la garantie constituée en amont (44) et le garant devra s’exécuter. Ce mécanisme pourrait surtout faciliter l’exécution forcée de la sentence à l’égard des États.
Après la survenance du différend. Il ne s’agit plus ici des sûretés souscrites dans le contrat principal ou dans la clause compromissoire, encore moins de celles souscrites par le débiteur sous contrainte. Il s’agit plutôt de garanties convenues entre les parties, malgré le fait que le différend ait déjà éclaté. En effet, les parties désirant recourir à l’arbitrage après la naissance du différend peuvent signer un compromis dans lequel ils consentiraient réciproquement des sûretés, garantissant une exécution de la sentence à venir. Chaque partie peut souscrire une garantie sur première demande au profit de l’autre, qui serait payable sur présentation de la sentence finale, le cas échéant dans la limite d’un plafond (45). Il est même préconisé la prise de garanties réelles, de préférence parmi celles qui peuvent être mises en œuvre sans recourir à une voie d’exécution ni nécessiter un titre exécutoire (fiducie, gage-espèce, nantissement de créance, pacte commissoire, etc.) (46).
Par ailleurs, à défaut de consensus quant à la constitution d’une garantie à l’exécution de la sentence à venir, l’une des parties peut exiger la constitution de cette garantie par contrainte du débiteur. Avant le prononcé de la sentence, ce pouvoir de contraindre les parties à constituer une garantie appartient en principe au juge de l’exécution. Toutefois, il peut être amené à partager ce pouvoir avec le tribunal arbitral.
L’imperium du JEX sur les saisies conservatoires et sûretés judiciaires. Le législateur a voulu réserver la compétence au seul juge de l’exécution. Ainsi, l’article 1468 alinéa 1er du Code de procédure civile dispose que « Le tribunal arbitral peut ordonner aux parties, dans les conditions qu’il détermine et au besoin à peine d’astreinte, toute mesure conservatoire ou provisoire qu’il juge opportune. Toutefois, la juridiction de l’État est seule compétente pour ordonner des saisies conservatoires et sûretés judiciaires » (47). Il appartient donc au créancier d’obtenir l’aval du juge de l’exécution, qui vérifiera que la créance est fondée dans son principe et qu’il existe des circonstances de nature à menacer son recouvrement (48). Il convient au passage de préciser que cette saisine du juge étatique, en référence à certains règlements d’arbitrage, ne peut valoir une renonciation à la clause d’arbitrage (49).
L’obtention de ces saisies conservatoires et sûretés judiciaires est d’une certaine efficacité, dans la mesure où elles peuvent permettre l’immobilisation des biens du débiteur jusqu’à ce qu’une sentence définitive soit prononcée.
Le pouvoir d’injonction du tribunal arbitral. Malgré la compétence exclusive du juge de l’exécution pour autoriser les saisies conservatoires et sûretés judiciaires, le tribunal arbitral n’est pas dépourvu de tous moyens d’action. Un tel pouvoir n’est aujourd’hui nullement contesté. En effet, depuis la réforme du 13 janvier 2011, même s’il ne peut pas autoriser des mesures de sûreté, il conserve le pouvoir d’enjoindre au débiteur de constituer une garantie à l’exécution de la sentence future, et sous astreinte si nécessaire (50). Ces mesures conservatoires pourraient même être accordées ex parte, c’est-à-dire sur simple requête du demandeur et sans que le défendeur ne soit entendu (51). Il est toutefois plus prudent que cette injonction soit complétée par l’autorisation du juge afin de la rendre efficace ; car, l’exécution forcée des mesures conservatoires accordées par les arbitres peut, en cas de résistance du débiteur, nécessiter la force publique (52).
Nous constatons que le recours au juge de l’exécution pour la garantie de l’exécution de la sentence à venir serait le plus efficace. Il pourrait donc se poser la question de savoir pourquoi le créancier ne préférerait pas recourir directement au juge de l’exécution au lieu du tribunal arbitral pour de telles demandes. La réponse à cette question se trouverait dans la différence de régime entre les deux types de saisine.
Après le prononcé de la sentence, le créancier dispose de deux types de sûretés, en garantie de l’exécution de la sentence : une sûreté judiciaire et une sûreté légale. Pour ce qui est de la première, elle peut être mise en œuvre dès le prononcé de la sentence sans que l’intervention d’une ordonnance d’exequatur soit nécessaire. Le législateur a conforté la position du créancier victorieux en lui simplifiant la possibilité d’obtenir une garantie à l’exécution de la sentence rendue en sa faveur. Ainsi, depuis la réforme du 9 juillet 1991, l’autorisation du juge n’est plus nécessaire pour l’obtention d’une sûreté fondée sur une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire (53), étant entendu que la sentence arbitrale non exequaturée en est une (54). Toutefois, s’agissant d’une sûreté provisoire, le créancier se doit de procéder à une demande d’exequatur dans un délai d’un mois (55), à peine de caducité.
La sûreté légale, elle, est conditionnée par l’exequatur de la sentence. Il en est ainsi de l’hypothèque légale qui s’attache aux sentences arbitrales revêtues de l’exequatur. Dès l’obtention de l’exequatur, le créancier victorieux jouit d’office d’une sûreté légale portant sur tous les biens immeubles du débiteur situés en France. En ce sens, l’article 2401, alinéa 2 du Code civil dispose que « [l]’hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation résulte également des sentences arbitrales revêtues de l’exequatur » (56). L’inscription de cette hypothèque ne doit pas excéder le montant prévu dans la sentence, auquel cas le débiteur sera fondé à demander une réduction (57).
(1) CEDH, Hornsby c/Grèce, 19 mars 1997, n° 18357/91 : « l’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du procès au sens de l’article 6 ».
(2) N. Cayrol, Doit de l’exécution, LGDJ, 2e éd. 2016, p. 13.
(3) B. Poulain, « L’arbitrage transnational et le droit français des immunités de l’État étranger », art. cit., p. 974 ; voy. CEDH, 29 juin 2011, Req. 34869/05, SABEH EL LEIL c/ France ; Cass. 1ère civ., 28 mars 2013, n° 11-10.450, NML Capital Ltd c/ république d’Argentine.
(4) Cass. civ. 1re, 07 janvier 1992, n° 90-43790, publié au bulletin ; Cass. civ. 1re, 30 juin 1993, n° 91-21.265, inédit, République de Lettonie c/ République Française ; CA Paris, 8e ch., B, 04 décembre 2008, n° 08/07441.
(5) R. Dupeyré, « Les immunités de juridiction et d’exécution des Etats dans l’arbitrage international », Revue trimestrielle de droit et de jurisprudence des affaires (RTDJA), 14 mai 2010.
(6) P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, 11ème éd., LGDJ 2014, p. 233.
(7) Cass. 1re civ., 25 février 1969, Soc. Levant Express Transport c/ Chemins de fer du gouvernement iranien, Rev. Crit. DIP 1970, p. 102 et suiv., note P. Bourel : « L’immunité de juridiction peut également bénéficier aux organismes agissant par l’ordre ou pour le compte des États étrangers. Mais [que] cette immunité, qui est fondée sur la nature de l’activité et non sur la qualité de celui qui l’exerce, n’existe qu’autant que l’acte qui donne lieu au litige constitue un acte de puissance publique ou a été accompli dans l’intérêt d’un service public » ; voy. également, Cass.1ère civ., 19 mai 1976, Zavicha Blagojevic c/ Banque du Japon, Rev. crit. DIP 1977 : « […] Tel est le cas de la Banque du Japon, lorsqu’elle agit comme chargée du contrôle des changes, du moment qu’il est constaté que les actes qui lui sont reprochés correspondent à l’objet même de la délégation de pouvoir qui lui avait été conférée par l’Etat et qu’il n’est pas relevé que la banque eût agi dans un intérêt autre que celui de servir », p. 359, note H. Batifol.
(8) R. Dupeyré, « Les immunités de juridiction et d’exécution des États dans l’arbitrage international », art. cit.
(9) En ce sens, l’article 17 de Convention des Nations Unies relative aux immunités juridictionnelles des États et leurs biens, du 2 décembre 2004, même si elle n’est pas encore en vigueur, dispose que « [S]i un État conclut par écrit un accord avec une personne physique ou morale étrangère afin de soumettre à l’arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale, cet État ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre État, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant : a) À la validité, à l’interprétation ou à l’application de l’accord d’arbitrage; b) À la procédure d’arbitrage; ou c) À la confirmation ou au rejet de la sentence arbitrale, à moins que l’accord d’arbitrage n’en dispose autrement ».
(10) Cass. 1re civ., 18 novembre 1986, n° 85-12.112, République socialiste fédération de Yougoslavie et Ministre français des Affaires étrangères c. Sté européenne d’études et d’entreprises, « [Par une clause compromissoire], l’État étranger, qui s’est soumis à la juridiction des arbitres a, par là même, accepté que leur sentence puisse être revêtue de l’exequatur », in Arbitrage commercial international : les grands arrêts du droit français, LexisNexis, DL 2016, cop. 2016, p. 343 et s., note B. Le Bars ; voir. également l’article 17 du Projet d’articles sur les immunités juridictionnelles des états et de leurs biens et commentaires y relatifs, 1991, p. 56, (Effet d’un accord d’arbitrage) : « Si un État conclut par écrit un accord avec une personne physique ou morale étrangère afin de soumettre à l’arbitrage des contestations relatives à une transaction commerciale, cet État ne peut invoquer l’immunité de juridiction devant un tribunal d’un autre État, compétent en l’espèce, dans une procédure se rapportant à : a) La validité ou l’interprétation de l’accord d’arbitrage; b) La procédure d’arbitrage; c) L’annulation de la sentence arbitrale; à moins que l’accord d’arbitrage n’en dispose autrement ».
(11) P. Mayer et V. Heuzé, Droit international privé, op. cit., p. 236, n° 339.
(12) E. Gaillard, Convention d’arbitrage et immunités de juridiction et d’exécution des États et des organisations internationales, ASA Bulletin, Vol. 18, n°. 3, 2000, pp 471-481 ; voir dans le même sens CA Paris, 19 juin 1998, UNESCO c. Boulois, Rev. Arb., 1999, p. 343, note Ch. Jarrosson ; voir par ailleurs, dans l’arbitrage CIRDI, B. Poulain, « L’arbitrage transnational et le droit français des immunités de l’Etat étranger », in C. Leben (sous dir.), Droit international des investissements et de l’arbitrage transnational, éd. PEDONE, Paris, 2015, p. 971.
(13) C. Kessedjian, « Les immunités », Rep. dr. int. D. novembre 2018, n° 122-155 ; voir également l’article 6, § 1 de la Convention du 2 décembre 2004 : « [U]n État donne effet à l’immunité des États prévue par l’article 5 en s’abstenant d’exercer sa juridiction dans une procédure devant ses tribunaux contre un autre État et, à cette fin, veille à ce que ses tribunaux établissent d’office que l’immunité de cet autre État prévue par l’article 5 est respectée ».
(14) Art. 35, § 6 Règlement CCI (ancien article 24-2) « Toute sentence arbitrale revêt un caractère obligatoire pour les parties. Par la soumission de leur différend au Règlement, les parties s’engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir, et sont réputées avoir renoncé à toutes voies de recours auxquelles elles peuvent valablement renoncer ».
(15) CA Paris 1re ch. A., 21 avril 1982, République Islamique d’Iran, Organisation pour les investissements et des aides économiques et techniques de l’Iran (O.I.A.E.T.I.) et Organisation de l’énergie atomique de l’Iran (O.E.A.I.) c/ Société Eurodif et Sofidi et Commissariat à l’énergie atomique, JDI, 1983, pp. 145-152, note Oppetit : « Considérant que cette stipulation constitue seulement un engagement de se soumettre volontairement à la sentence et d’en reconnaître la force obligatoire, mais ne contient aucune allusion à l’immunité d’exécution dont une partie pourrait éventuellement bénéficier ; qu’elle ne doit donc pas être interprétée comme emportant renonciation à un droit qui n’entre pas dans son objet » ; Dans le même sens, la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004, en son article 20, évoque l’autonomie des deux immunités : « Dans les cas où le consentement à l’adoption de mesures de contrainte est requis en vertu des articles 18 et 19, le consentement à l’exercice de la juridiction au titre de l’article 7 n’implique pas qu’il y ait consentement à l’adoption de mesures de contrainte ».
(16) CA Rouen, 20 juin 1996, Bec frères c. Office des céréales de Tunisie. Rev. arb. 1997, P. 263, note E. Gaillard : « l’engagement pris par l’État signataire de la clause d’arbitrage d’exécuter la sentence dans les termes de l’[ancien] article 24 du règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale impliquait renonciation de cet État à l’immunité d’exécution ».
(17) Cass. 1re civ., 6 juillet 2000, n° 98-19068, Sté Creighton c. Ministre des Finances de l’Etat du Qatar.
(18) B. Le Bars, Arbitrage commercial international : les grands arrêts du droit français, LexisNexis, 2016, p. 355.
(19) CA Paris, 21 juin 2011, n° 09/19983, Fédération de Russie c/ Compagnie Noga, préc.
(20) Cass. 1re civ., 14 mars 1984, n° 82-12.462, SA Eurodif et Sofidif c/ République Islamique d’Iran ; voir dans le même sens Cass. 1re civ., 1er octobre 1985, n° 84-13.605, Sonatrach c/ Migeon, « A la différence des biens de l’État étranger, qui sont en principe insaisissables, sauf exception, notamment quand ils ont été affectés à l’activité économique ou commerciale de droit privé qui est à l’origine du titre de créance saisissant, les biens des organismes publiques, personnalisés ou non, distincts de l’État étranger, lorsqu’ils font partie d’un patrimoine que celui a affecté à une activité principale relevant du droit privé, peuvent être saisis par tous les créanciers, quels qu’ils soient, de cet organisme ».
(21) Cass. 1re civ., 28 septembre 2011, n° 09-72.057, FS-P+B+I, Société NML Capital Ltd c/ République d’Argentine.
(22) Cass. 1re Civ., 28 mars 2013, NML Capital c/ République argentine, n° 10-25.938 ; Rev. crit. DIP 2013, p. 671 et suiv., note H. Muir Watt : « Selon le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations unies, du 2 décembre 2004, sur l’immunité juridictionnelle des États et leurs biens, si les États peuvent renoncer, par contrat écrit, à leur immunité d’exécution sur des biens ou des catégories de biens utilisés ou destinés à être utilisés à des fins publiques, ils ne peuvent y renoncer que de manière expresse et spéciale, en mentionnant les biens ou la catégorie de biens pour lesquels la renonciation est consentie […] ».
(23) L. Jaeger, « Le retour en force de l’immunité d’exécution », in M. De Fontmichel et J. Jourdan-Marques (sous dir.), L’exécution des sentences arbitrales internationales, Actes de Colloques, Paris, 26 septembre 2016, LGDJ, 2017, p. 197.
(24) Loc. cit.
(25) L. Franc-Menget, « Retour au statu quo ante : Assouplissement des conditions de renonciation à l’immunité d’exécution des Etats concernant tous ses actifs y compris diplomatiques » art. cit., p. 505-516 ; J. Morel-Maroger, « Assouplissement des conditions de renonciation à l’immunité d’exécution des Etats », Cass. 1re civ., 13 mai 2015, n° 13-17751, in Chronique de jurisprudence de droit bancaire sous la dir. De M. Roussille, Gazette du Palais, 4 août 2015, n° 216, p. 31 ; L. Weiller, « Revirement : abandon de l’exigence du caractère spécial de la renonciation à l’immunité d’exécution », Procédures n° 7, juillet 2015, comm. 228.
(26) Pour une illustration, voir Cass. 1re civ., 6 juillet 2000, n° 98-19.068, préc.
(27) Créé par la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, art. 59.
(28) Voy. art. L. 111-1-2, al. 5 CPC exéc.
(29) M. Cosnard, La soumission des États aux tribunaux internes face à la théorie des immunités des États, Paris éd. Pedone 1996, p. 189 et suiv.
(30) Cass. civ. 1re, 28 septembre 2011, n° 09-72.057, préc.
(31) Ce traitement particulier peut également être déduit de deux arrêts rendus par la Chambre civile de la Cour de cassation, le 10 décembre 2020, Civ. 2e, 10 décembre 2020, n°s 19-10.801 et 18-17.937, dans lesquels les juges exigeaient, pour la validité d’une saisie-attribution contre les États-Unis et le Panama, que la banque (tiers-saisi) ait son siège en France ou que la filiale de celle-ci ait une autonomie de gestion lui permettant de céder les fonds saisis.
(32) B. Poulain, « Saisie des comptes bancaires d’ambassade et des représentations diplomatiques des États étrangers en France : Mission impossible », Cah. Arb. – PJIA, 2018-4, p. 697.
(33) Loc. cit.
(34) Cass. Civ 1ère, 6 juillet 2000, Sté Creigthon Ltd c/ Ministre des Finances de l’État de Qatar et autres, préc.
(35) L. Malintoppi, « Procédure arbitrale devant les tribunaux CIRDI et hors CIRDI », in C. Leben (sous dir.) Droit international des investissements et de l’arbitrage transnational, Edit. Pédone, Paris, 2015, p. 673.
(36) L. A-Spivak et A. B. Mansour, « Reconnaissance des sentences arbitrales en matière d’investissement », in C. Leben (sous dir.) Droit international des investissements et de l’arbitrage transnational, Edit. Pédone, Paris, 2015, p. 1008.
(37) Il s’agit de la Banque internationale pour le développement (BIRD), de l’Association internationale de développement (IDA), de la Société financière internationale (IFC), de l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), et le Centre international pour la résolution des différends relatifs à l’investissement (CIRDI).
(38) B. Poulain, « L’arbitrage transnational et le droit français des immunités de l’État étranger », art. cit., p.967.
(39) Art. 64 de la Convention de Washington « Tout différend qui pourrait surgir entre les États contractants quant à l’interprétation ou l’application de la présente Convention et qui ne serait pas résolu à l’amiable est porté devant la Cour internationale de Justice à la demande de toute partie au différend, à moins que les États intéressés ne conviennent d’une autre méthode de règlement ».
(40) Voy. C. Gijsbers, « L’utilisation des sûretés pour garantir l’exécution des sentences arbitrales internationales », actes de colloque, Cah. arb., PJIA, 2017-2, p. 175.
(41) Loc. cit.
(42) Cf. art. 2321 C. civ.
(43) Ph. Simler, Cautionnement, Garanties autonomes, Garanties indemnitaires, Traités, 5e éd. LexisNexis 2015, p. 913 et suiv.
(44) Sur ce point, voir C. Gijsbers, « L’utilisation des sûretés pour garantir l’exécution des sentences arbitrales internationales », art. cit. p. 176.
(45) C. Gijsbers, « L’utilisation des sûretés pour garantir l’exécution des sentences arbitrales internationales », art. cit. p. 182.
(46) Loc. cit.
(47) L’article 1506 (relatif à l’arbitrage international) renvoie à cette disposition : « À moins que les parties en soient convenues autrement et sous réserve des dispositions du présent titre, s’appliquent à l’arbitrage international les articles : […] 3° 1462, 1463 (alinéa 2), 1464 (alinéa 3), 1465 à 1470 et 1472 relatifs à l’instance arbitrale ; […] »
(48) Art. L. 511-1 CPC : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire ».
(49) Art. 28 al. 2 Règlement CCI : « Avant la remise du dossier au tribunal arbitral et même postérieurement si les circonstances s’y prêtent, les parties peuvent demander à toute autorité judiciaire des mesures provisoires ou conservatoires. La saisine d’une autorité judiciaire pour obtenir de telles mesures ou pour faire exécuter des mesures semblables prises par un tribunal arbitral ne contrevient pas à la convention d’arbitrage, ne constitue pas une renonciation à celle-ci, et ne préjudicie pas à la compétence du tribunal arbitral à ce titre. Pareille demande, ainsi que toutes mesures prises par l’autorité judiciaire, sont portées sans délai à la connaissance du Secrétariat qui en informe le tribunal arbitral ».
(50) Voy. Art. 1468 CPC préc.
(51) Chr. Seraglini, J. Ortscheidt, Droit de l’arbitrage interne et international, Montchrestien, 2013, p. 774, n° 856.
(52) Ibid. p. 776, n° 857.
(53) Art. L. 511-2 CPC (issu de la Loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, art. 68) : « Une autorisation préalable du juge n’est pas nécessaire lorsque le créancier se prévaut d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire. Il en est de même en cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre, d’un chèque ou d’un loyer resté impayé dès lors qu’il résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles ».
(54) Cass. Civ. 2e, 12 octobre 2006, n° 04-19.062.
(55) Art. L. 511-4 CPC : « A peine de caducité de la mesure conservatoire, le créancier engage ou poursuit, dans les conditions et délais fixés par décret en Conseil d’État, une procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire s’il n’en possède pas » ; art. R. 511-7 CPC ex. al. 1er « Si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire ».
(56) Art. 2401, alinéa 2 C. civ., modifié par l’ordonnance n° 2021-1192, du 15 septembre 2021.
(57) Voir art. 2439 C. civ.